Algues vertes La méthanisation, un procédé complexe et controversé
La méthanisation du lisier, mise en avant par le gouvernement dans son plan de lutte contre la prolifération des algues vertes, est un procédé complexe qui valorise les effluents d'élevage, mais ne règle pas la question des rejets azotés dans l'environnement, selon des experts. Dans la méthanisation, le lisier ajouté à d'autres éléments organiques produit un biogaz qui alimente un cogénérateur produisant électricité et chaleur, avec une efficacité énergétique pouvant dépasser 90 %.
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La revalorisation en 2008 du tarif de rachat de l'électricité, qui s'établit à environ 15 centimes le kilowatt/heure, ainsi que le déblocage d'une enveloppe de subventions étatiques l'an passé dans le cadre du plan anti-crise, ont déjà avivé l'intérêt de paysans et de collectivités pour la filière. « Mais il s'agit d'un procédé compliqué d'un point de vue technologique et lourd d'un point de vue administratif », souligne Emmanuèle Savelli, du groupement d'intérêt public Bretagne environnement (Gibpe) à Rennes.
« Il faut compter au moins trois ans pour voir aboutir un projet, en comptant le temps d'obtenir les autorisations et les subventions sans lesquelles l'amortissement est compromis », reconnaît Benjamin Le Gall, chef de projet à la société Aeb, spécialisée dans l'installation d'unités de méthanisation.
Première région productrice de porcs et donc de lisier, la Bretagne ne compte selon le Gipbe que six sites, dont un seul exploité par un agriculteur. Plusieurs projets ont échoué en raison notamment de l'opposition de riverains et de groupements écologistes à ces installations classées. « La méthanisation ne peut pas être considérée comme une solution durable au phénomène des nitrates et des algues vertes », estime Gilles Huet, délégué de l'association Eau et Rivières de Bretagne. « Sa généralisation aboutirait à industrialiser un peu plus encore la filière d'élevage porcin et à pérenniser la concentration excessive d'élevages ainsi que le phénomène des algues vertes », ajoute-t-il.
Car la production de méthane n'élimine nullement les rejets azotés, qui se retrouvent dans le « digestat », le résidu liquide de la méthanisation, selon les experts. « La commercialisation de ce digestat, dont la qualité est supérieure à celle du lisier et qui pourrait se substituer à terme aux engrais minéraux, nécessite encore un long processus de normation », reconnaît M. Le Gall. S'il offre un excellent support bactériologique à la fermentation, le lisier n'offre à vrai dire qu'un rendement limité en méthane et doit être associé à des éléments plus énergétiques. En fait, « son utilisation est principalement dictée par les cahiers des charges des organismes subventionneurs », indique le spécialiste.
Quant à l'élimination directe des algues vertes dans les unités de méthanisation, elle s'avère plutôt délicate d'un point de vue technologique. « Le sel est un inhibiteur de la production de méthane et le sable qu'elles contiennent sédimente dans les installations », souligne l'expert. Inaugurant une installation à Plélo (Côtes d'Armor) à l'automne, le préfet de la région Bretagne, Michel Cadot, avait souligné qu'il convenait avant de multiplier ces unités de « bien choisir le modèle pour en assurer la rentabilité, car ce ne sera pas partout une solution miracle ».
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